La lettre de MPS n°18: Ce qui va changer les projets d'ordonnances Macron

Droit social                            

La Lettre de MPS AVOCATS

7 Septembre 2017                    

          

CE QUI VA CHANGER : LES PROJETS D’ORDONNANCES MACRON

 

La modernisation du droit du travail fait l’objet de toutes les attentions depuis la campagne présidentielle. Les 5 projets d’ordonnances présentées le 31 août 2017 ont pour objectif de simplifier un droit complexe et instable et de rassurer les employeurs afin de faciliter l’embauche. Ces textes vont être transmis au Conseil d’État et présentés aux différentes instances paritaires nationales avant d’être adoptées en Conseil des ministres le 22 septembre 2017.

Plusieurs domaines sont visés :

1/ Le licenciement

Le barème des indemnités pour licenciement sans CRS

Mesure phare, le projet d’ordonnance fixe un barème des dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce barème serait écarté dans les cas relevant d’une discrimination, d’un harcèlement ou portant atteinte aux libertés fondamentales. A contrario, dans les autres situations, il s’imposerait aux conseillers prud’homaux. Ce barème fixerait une indemnité maximale allant d’1mois de salaire pour moins d’1 an d’ancienneté, à 20 mois de salaire à compter de la 29e année d’ancienneté. Le barème fixe également un plancher allant de 1/2 à 3 mois de salaire selon l’ancienneté, mais aussi en fonction du fait que l’entreprise compte plus ou moins de 11 salariés. 

 

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Assouplir les règles du licenciement

Un employeur pourrait compléter le motif d’un licenciement après sa notification, soit de sa propre initiative, soit à la demande du salarié. Si le salarié n’a rien demandé, l’insuffisance de motivation constituerait une irrégularité ne privant plus systématiquement le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvrira droit à une simple indemnité d’au plus 1 mois de salaire. Une irrégularité de forme commise au cours de la procédure, notamment en lien avec l’entretien préalable, ne priverait plus le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvrirait droit à une indemnité d’au plus 1 mois de salaire.

Sécuriser la rupture des contrats de travail

Afin d’éviter les erreurs de procédure, un formulaire-type rappelant les droits et devoirs de chaque partie serait défini par décret.

Le délai laissé aux salariés pour contester un licenciement serait harmonisé. Il serait ainsi fixé à 12 mois aussi bien pour les licenciements économiques (sans changement), que pour les licenciements pour motif personnel (deux ans actuellement).

Une procédure dite de « rupture conventionnelle collective » serait instaurée. Il s’agirait d’élaborer des plans de départ volontaire par accord collectif et d’en obtenir la validation par l’administration pour sécuriser les ruptures qui découleraient de leur mise en œuvre.

Les conditions d’octroi des indemnités légales de licenciement seraient modifiées. En effet, une indemnité serait accordée aux salariés dès lors qu’ils ont acquis 8 mois d’ancienneté au lieu d’1 an. En outre, le montant de cette indemnité devrait être augmenté de 25 % par voie réglementaire.

Le licenciement pour motif économique

Le motif économique (difficultés économiques, mutation technologique, sauvegarde de la compétitivité) d’un licenciement ne serait plus évalué au niveau international, sauf en cas de fraude, mais au niveau des entreprises du groupe appartenant au même secteur d’activité et situé sur le territoire national.

L’obligation de reclassement serait simplifiée. Les employeurs devraient toujours faire connaître les offres de reclassement aux salariés concernés, mais ne seraient plus tenus d’adresser à chacun les offres pertinentes par écrit. Ils pourraient aussi communiquer au salarié l’ensemble des emplois disponibles via une liste par tout moyen, notamment sur l’intranet de l’entreprise.

 

2/ La fusion des représentants du personnel

La mise en place d’un comité social et économique (CSE) serait obligatoire dans les entreprises d’au moins 11 salariés. Si elles comptent moins de 50 salariés, le comité y assumerait les fonctions liées à la délégation du personnel (DP).

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE fusionnerait les fonctions actuelles des DP, du CE, et du CHSCT.

Il conserverait la personnalité morale actuellement accordée au CE et ainsi la capacité d’ester en justice. Une commission de santé, sécurité et des conditions de travail centrale devrait être mise en place dans les entreprises d’au moins 300 salariés et, à la demande de l’inspection du travail, dans celles dont les activités à risque le justifient.

Le CSE pourrait toujours recourir aux expertises, mais devrait alors prendre en charge leur coût à hauteur de 20 % (sauf en cas de PSE ou de risque grave où l’employeur les prendrait en charge à 100 %).

En outre, un accord majoritaire pourrait prévoir de fusionner les IRP (institutions représentatives du personnel) en y incluant les délégués syndicaux. Dans ce cas, l’instance appelée conseil d’entreprise serait habilitée en matière de négociation collective.

 

3/ La négociation collective et l’articulation entre accord de branche, accord d’entreprise et contrat de travail

Accord de branche 

De nouveaux domaines seraient ouverts à la négociation de branche et donneraient lieu à des accords qui s’imposeraient au niveau des entreprises :

-       règles encadrant les conditions de recours au CDD et au contrat de travail temporaire (durée, renouvellements, etc.),

-       contrat de chantier dans les secteurs où cette forme d’emploi s’avérerait pertinente.

S’agissant notamment des facteurs de pénibilité, de l’insertion professionnelle, du maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, l’accord de branche serait libre de décider de sa primauté sur les accords d’entreprise.

Pour les sujets relevant de la négociation collective qui ne seraient pas confiés aux branches, c’est l’accord d’entreprise qui primerait. Les entreprises pourraient ainsi négocier leur agenda social, les modalités d’information-consultation, ou définir des primes spécifiques remplaçant celles prévues par la branche.

Une nouvelle obligation serait mise à la charge des négociateurs de branche. Pour prétendre à l’extension, les conventions et accords de branche devraient comporter des stipulations spécifiques aux entreprises de moins de 50 salariés.

Accord d’entreprise

A partir du 1er mai 2018, l’ensemble des accords devraient être majoritaires, soit plus de 50% des suffrages exprimés.

Un accord non majoritaire pourrait être validé par référendum à l’initiative de l’employeur, si le texte a été signé par des syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages et si ces derniers ne s’y opposent pas.

Un nouveau type d’accord majoritaire permettrait aux entreprises de s’adapter rapidement aux évolutions du marché en portant sur l’aménagement de la durée et l’organisation du travail, la rémunération et la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

Ces accords se substitueraient de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. En cas de refus de l’accord par le salarié, il serait licencié pour un motif « sui generis » (ni économique, ni personnel) constituant une cause réelle et sérieuse et son CPF serait abondé par l’employeur. D’après le gouvernement, cet abondement, qui serait fixé par voie réglementaire, devrait s’élever à 100 heures.

Dans les entreprises dont l’effectif ne dépasse pas 20 salariés et dépourvues d’élu du personnel, l’employeur aurait la possibilité de proposer un projet d’accord directement aux salariés. Le texte soumis à consultation pourrait porter sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective. Cet accord ne serait validé qu’après avoir été ratifié à la majorité des deux tiers du personnel.

Dans les entreprises de taille supérieure dépourvues de délégué syndical, la négociation ne serait possible qu’avec un salarié mandaté ou un membre de la délégation du personnel.

 

4/ Simplifier le compte de prévention de la pénibilité

L’ensemble des dispositions relatives au compte personnel de prévention de la pénibilité serait réécrit, mais le dispositif serait préservé et dénommé « compte professionnel de prévention ». Les règles relatives aux 6 critères actuellement appliqués seraient globalement maintenues : travail de nuit, répétitif, en horaires alternants ou en milieu hyperbare, ainsi que le bruit et les températures extrêmes. En revanche, les obligations de déclaration de l’employeur seraient supprimées concernant les 4 autres facteurs de pénibilité : la manutention de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les risques chimiques. Les salariés exposés à ces risques devraient néanmoins pouvoir bénéficier d’un départ anticipé à la retraite en cas de reconnaissance d’une maladie professionnelle et d’un taux d’incapacité permanente excédant 10 % sans condition liée à la durée d’exposition.

 

 

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